Mathias est en colère. À ses yeux, sa relation avec son paternel tenait toute entière sur un plateau d'échec. Rien ne pouvait égaler sa joie à l'idée de leur solennel face à face. Mais depuis la séparation de ses parents, ses merveilleuses parties avec son père se raréfient, jusqu'à disparaître totalement. Le garçon lui en veut. Amèrement. Un fossé se creuse entre eux. Le silence s'installe. Puis un jour, un nouveau compagnon de jeu entre dans la vie du garçon. Les échecs reprennent vie… mais le chemin vers son père, Mathias le retrouvera-t-il?
Premier prix - Grand prix de la Montérégie
Mais maintenant, j’ai compris que je ne peux plus me battre contre la séparation. La tempête est passée. Mon coeur a survécu. Amoché, mais encore vivant. Et maintenant, je ne veux plus m’étourdir, je veux simplement être avec mon père. Du temps rien que pour lui et moi. Du temps, c’est tout. Pour sortir le plateau, installer les pièces dans un rituel silencieux, entrer dans une bulle de concentration hors du temps, se fixer dans les yeux, pousser une pièce, concevoir une stratégie, pousser une autre pièce et fuir en quelque sorte la réalité pour plonger dans une partie d’échecs, où chaque mouvement est crucial. De plus, jouer aux échecs était la seule chose qui restait de notre vie d’avant la cassure et de notre complicité silencieuse d’avant le brouhaha. On ne joue plus. Alors, l’équation est simple. C’est fini entre nous. Il y a trop de bruits entre lui et moi. Trop de mots meublent nos rencontres et écorchent le silence qui nous unissait. Trop d’accessoires superflus dans nos brèves rencontres. Trop de remplissage forcé qui décore mal ma vie. Trop de décalage entre sa vie et la mienne. Entre sa tour d’ivoire et ma chambre. Moi, je ne veux qu’une partie d’échecs. Tranquille. Ce n’est pas sorcier à comprendre…