Oui, pour Gilles Villeneuve, l’été de ses douze ans représente un cauchemar. Il appréhende particulièrement le vingt-sept avril, jour de son anniversaire. Dans ses plus lointains souvenirs, il entend la voix de son père lui raconter comment ils s’y prendront pour créer leur bolide, à quel point l’aérodynamisme sera important, combien d’essais routiers secrets ils devront planifier et ainsi de suite. Il se remémore également les exploits de son père, entendus si souvent : vainqueur de cette même course quatre années consécutives, record jusqu’à maintenant inégalé, Michel Villeneuve a été consacré meilleur pilote de Saint-Berthier. Une plaque commémorant son talent est même accrochée, bien en vue, à l’hôtel de ville.
Ainsi, Gilles, en plus de porter le nom d’une légende de la Formule 1, s’avère le fils d’une autre légende, mais des courses de boîtes à savon ! De plus, il est né un vingt-sept, le numéro même qui ornait la Ferrari de Gilles, l’idole de son paternel. Difficile, donc, de faire comprendre à ce dernier que la passion n’est pas au rendez-vous de son côté, qu’il préfère de loin le calme de la nature, la senteur de l’herbe et les randonnées en vélo de montagne, au bruit assourdissant des moteurs et à l’odeur d’essence et de caoutchouc brûlé.